voici des extraits d'une
sére d'article sur Anthony Rossi (1900-1993) du blog de Sébastien Fath.
Tropicana est une multinationale agro-alimentaire fondée aux Etats-Unis, aujourd'hui rattachée au groupe PepsiCo. Spécialisée dans le domaine des jus de
fruit sans sucre ajouté, elle est principalement basée à Bradenton (Floride), et emploie plus de 8000 personnes, dans ce qui constitue le plus gros distributeur mondial de jus de fruits.
Tout ceci est connu.
Mais ce qui l'est moins, c'est que cette entreprise emblématique, au taux de notoriété spectaculaire, a été fondée, puis portée à bout de bras, par un entrepreneur évangélique : Anthony Talamo
Rossi, sicilien qui émigra ensuite aux Etats Unis.
Âgé de 21 ans, incapable d'aligner trois phrases en anglais, le voilà qui s'embarque pour New York, avec pour viatique un rêve, ses lectures de jeunesse de Buffalo Bill
et 25 dollars en poche.
Son premier rêve de bohème, qui le pousse à devenir photographe animalier en Afrique, s'éteint rapidement. En revanche, il investit ses 25 dollars. D'abord dans de petits boulots: chauffeur
de taxi, ouvrier du bâtiment à Coney Island, serveur..., puis dans l'achat d'un petit restaurant, d'une compagnie de taxis, et d'une épicerie de gros.
Il redécouvre la Bible grace aux protestants évangéliques, et devient baptiste. C'es pour lui une renaissance.
Et bien que très occupé par ses affaires, il ne ratera jamais le rendez-vous dominical à l'église, où il retrouve ses "frères et soeurs" évangéliques et partage, avec eux, une foi zélée et
contagieuse.
C'est à l'intérieur de cette enceinte religieuse, et sur la base d'une éthique protestante évangélique fondée sur le travail acharné, l'investissement, l'ascèse (peu de loisirs) et l'honnêteté,
qu'il va peu à peu bâtir sa fortune, et construire, à partir de zéro, le prestige de la marque Tropicana, futur numéro Un mondial du jus de fruit.
Le nom de la compagnie basée en Floride change, en 1955, pour devenir TROPICANA Products Inc. Entre temps, les profits et l'échelle de l'entreprise n'ont cessé de s'accroître,
sur la base d'une culture du travail et du changement fondée sur l'innovation et le risque.
TROPICANA prend soin, dans son offensive publicitaire, de ne pas s'aliéner les goûts du public religieux, à l'inverse du casino TROPICANA de Las Vegas (du même nom mais sans lien avec l'entreprise de Tony Rossi), qui recourt aux services de la
capiteuse Jayne Mansfield (ci-dessous), actrice et pin-up plus connue pour sa plastique avantageuse que pour ses convictions évangéliques...
Jamais TROPICANA Products ne s'associera avec une telle image "pin-up".
En revanche, la brune charismatique Anita Bryant plaît beaucoup aux publics
évangéliques, qui composent une large partie de la classe moyenne américaine (grande consommatrice de jus de fruit).
Cette très médiatique Miss Oklahoma 1958, égérie de la lutte anti-homosexualité [1] et lointaine préfiguration de Sarah Palin, est de toutes les campagnes
publicitaires pour l'orange miracle de Floride et son jus vitaminé.
Elle-même évangélique et baptiste, elle est, durant quelques années, proche de Rossi dont elle partage les convictions.
Chaque année, il a organisé un voyage en Sicile, non pas comme un "pélerinage", comme l'indique la version française de Wikipedia en août 2011, mais comme une entreprise missionnaire,
avec prédication en plein air, distribution de tracts et organisation de réunions d'évangélisation!
Le protestantisme évangélique sicilien, et, au-delà, celui de toute l'Italie, doit aujourd'hui une part de sa vitalité très relative (1% de la population transalpine serait
aujourd'hui évangélique) à l'influence exercée par Anthony Rossi.
Après s'être marié, notre converti évangélique ne tarde pas à s'expatrier dans le Sud des Etats-Unis, attiré qu'il est par l'univers agricole. Il commence par investir en Virginie dans la
production de tomates, à partir d'une ferme de 50 acres, et "avec l'aide du Seigneur", dit-il.
D'essai en essai, les prises de risque augmentent, et avec elles, l'adrénaline... et les profits. Fort de son relatif succès en Virginie, il s'installe plus au Sud à Miami Beach
où il achète une des plus grandes cafétérias de l'Etat de Floride.
C'est là également qu'il vend, pour la première fois, des fruits en boîtes.
Il frôle la banqueroute avec sa cafétéria, mais s'intéresse à un nouveau projet: la commercialisation d'ananas et d'oranges de Floride (citrus) en tranche.
Ce nouveau marché progresse vie, mais se heurte, juste après la Seconde Guerre Mondiale, à l'essor du jus d'orange concentré glacé. Rossi ferme alors son entreprise et pénètre le nouveau marché,
achetant une grande usine de conditionnement de jus d'orange à Bradenton.... le site de la future entreprise Tropicana.
Cette influence missionnaire d'Anthony Rossi, fondateur de Tropicana, a été précocement renforcée par un événement familial: en 1959, Anthony Rossi a en effet
épousé... une missionnaire évangélique, après le décès de sa première épouse.
C'est au côté de son épouse Sanna Barlow Rossi (ci-contre, décédée en 2007) qu'il a ensuite développé un entreprenariat missionnaire considérable, porté par deux structures, la
Bible Alliance et la Aurora Foundation de Bradenton, à l'origine de multiples établissements missionnaires et d'une grande école de formation évangélique en
Italie, dans la province de Catane, la Italian Theological Academy, toujours très active en 2011. Auroa mission a également soutenu financièrement des missions catholiques.
Lorsque Tropicana est entrée en bourse (New York Stock Exchange), le premier geste d'Anthony Rossi a été de transférer l'essentiel de ses parts à ces deux
organisations évangéliques, toujours actives aujourd'hui sous des formes renouvelées.
Anthony Rossi ne s'est pas contenté de fonder ces deux structures missionnaires. Il a par ailleurs très puissamment soutenu de très nombreuses oeuvres évangéliques américaines, comme
Columbia Bible College (CBC, devenu depuis Columbia International University), grand vivier de futurs pasteurs et missionnaires, basé en Caroline du Sud.
C'est dans cette institution que s'était formée sa seconde épouse, Sanna. Sur ses instructions, chaque matin, des camions Tropicana viennent depuis des années livrer,
gratuitement, des tonnes de jus de fruit frais aux étudiants évangéliques en formation pour le "service du Seigneur" (dixit la phraséologie en vigueur sur le campus).
"Try God"
Un vaste bâtiment destiné à loger les étudiants futurs missionnaires a par ailleurs été
financé sur ce campus universitaire évangélique par le généreux donateur born again. Il porte toujours, en 2011, le nom de Rossi Student Center.
Diacre (deacon) de son Église baptiste, Rossi affiche volontiers ses convictions jusqu'à son épingle de cravate, qui indique, bien visible, le slogan
suivant: "Try God" ("Essayez Dieu").
Après sa retraite, il a fondé en 1979... le Bradenton Missionary Village, une vaste propriété accueillant gratuitement dans de confortables meublés les missionnaires évangéliques
atteints par la limite d'âge.
Au début des années 1980, il passe pour un des géants de la "philanthropie chrétienne" , au travers d'un système d'aide à large spectre: missions, écoles, étudiants (système de
bourse. Sa fondation Aurore, à la base de cet effort de soutien évangélique, était considérée en 1983 comme la mieux dotée de Floride, avec une force financière évaluée à 78 millions de dollars.
Jusqu'à sa mort, "Mr Tropicana" a investi chaque année des centaines de milliers de dollars dans l'évangélisation et la mission.